My Taboo Child
Projet soutenu par WORLD PRESS PHOTO
Au Maroc, être mère célibataire est encore tabou. C’est souvent synonyme de discrimination pour la femme etl’enfant : les naissances hors mariage sont le fruit de relations illégitimes interdites par la loi marocaine. Certainesmères sont des femmes violées, d’autres ont été promises au mariage et abandonnées une fois enceintes, d’autresencore sont unies seulement par un mariage coutumier sans acte offi ciel à un homme qui, la plupart du tempsrefuse de reconnaitre l’enfant.
Si des femmes plus aisées peuvent interrompre leur grossesse – dans l’illégalité –, celles issues de milieux plusmodestes n’ont pas ce choix coûteux et d’autres en refusent simplement l’idée : toutes doivent fuir et cacher leurgrossesse à la sphère familiale. Isolées et sans ressources, elles se retrouvent dans la rue. Elles ont pour la plupartmoins de 25 ans et certaines sont encore mineures à l’accouchement…
Malgré une récente réforme de la Moudawana (Code de la famille), les tabous sont ancrés dans la société et leurpoids restent très présents dans la vie déjà précaire de ces femmes.
Des associations s’engagent depuis des années à venir en aide à ces mamans célibataires et à les insérer dans la vie sociale, et c’est par le biais de la première association de ce genre à avoir vu le jour au Maroc que je rencontre les trois femmes, mères célibataires, qui ont accepté de s’exprimer devant l’objectif de mon appareil photo.
B. ne passe pas inaperçue. La vingtaine passée, coquette et toujours bien apprêtée elle a l’apparence d’une poupée. A la suite d’une grossesse hors mariage, et face au refus du père de la reconnaître ainsi que l’enfant, elle préfère fuir sa ville natale pour s’installer à Casablanca. Elle est sûre de se voir renier si elle avoue la vérité à sa famille. Elle se retrouve ainsi dans la rue, enceinte, avant d’être prise en charge par le cercle associatif. Elle réapprend alors à vivre, à être une mère pour son enfant, à se construire un projet personnel. Elle bénéficie d’une prise en charge, poursuit ses études en vue de décrocher un diplôme et par la suite pouvoir vivre de façon autonome. Aujourd’hui, ses études bientôt finies, des projets professionnels bien définis, elle partage une chambre de 5m² dans un quartier populaire deCasablanca, avec son fils et une autre mère célibataire, sans cuisine, ni salle de bain.
Lorsque F. s’est approchée de moi, j’ai d’abord vu une femme-enfant très attachée à son fils. Elle est la plus jeune et précaire des trois mères. Unie par un mariage coutumier sans acte officiel, son « mari » la renvoie vers le foyer parental lorsqu’il apprend sa grossesse et refuse de reconnaitre l’enfant.
Accablée de préjugés et d’accusations d’adultère, elle fuit son village natal et trouve refuge dans une association à Casablanca, qui réussit après 2 ans de négociations à convaincre le père de reconnaitre l’enfant…Le chemin ne s’arrête pas là pour autant, et aujourd’hui, F. vit toujours seule avec son enfant dans une chambre vétuste d’un quartier pauvre.
H., la deuxième mère que j’ai pu rencontrer, est un personnage très représentatif du sentiment de colère et d’injustice que ressentent ces femmes. Elle se dit prête à tout pour donner un père à son enfant. Fiancée à un homme de 40 ans son ainé, elle avait voulu mettre un terme à sa grossesse, avant de changer d’avis et de fuir le foyer familial avec l’aide d’un membre de sa famille. « Mon père m’aurait tué s’il avait appris cette grossesse à l’époque, et maintenant qu’il a appris ma situation, il refuse de voir mon enfant avant que je ne lui trouve un père. » (H.)
Orientée vers la coiffure et plus globalement les soins féminins, sa vie professionnelle est encore en construction.Les tourments qui l’habitent sont encore très présents : très affectée psychologiquement, les échanges avec elle se sont interrompus et il n’a pas été possible de rencontrer son enfant.